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Face à la récession mondiale due à la pandémie de la COVID-19, plusieurs pays du monde ont mis en place un plan de relance économique qui puisse juguler les effets de la crise et les mettre dans une situation proche de celle qui prévalait avant la pandémie. Les estimations du Fonds Monétaire International (FMI, 2021) montrent que le soutien budgétaire au niveau mondial s’élevait en 2020 à environ 14 milliards de dollars. Malgré les difficultés de financement, les pays africains ne sont pas en marge de ces plans en devenant ainsi « keynésiens ». La politique budgétaire expansionniste est utilisée pour soutenir la demande globale et pour atteindre les objectifs de développement. Selon les dernières prévisions du FMI publiées en janvier 2021, ces mesures de soutien supplémentaires dans ces pays, combinées à l’approbation récente de plusieurs vaccins ont permis de réviser les prévisions de la croissance économique mondiale pour l’année 2021 à la hausse de 0,3 point par rapport aux prévisions précédentes. Bien que selon Blanchard et al. (2010), la crise de 2008 a réaffirmé l’intérêt de la politique budgétaire comme un instrument contracyclique, les économies africaines devraient-elles s’attendre automatiquement à un retour de leurs économies à leur niveau d’avant la crise en augmentant les dépenses publiques ?

Théoriquement, plusieurs économistes ont expliqué la relation entre les dépenses publiques et la croissance en insistant sur ses composantes. Par exemple, Keynes (1936) considère les dépenses publiques comme un facteur exogène qui peut être utilisé comme instrument de politique pour favoriser la croissance économique. En ce sens, il considère qu’une augmentation de la consommation est susceptible de conduire à une hausse du niveau de l’emploi et de l’investissement privé par des effets multiplicateurs sur la demande globale. Wagner (1892) quant à lui a montré que l’élasticité des dépenses publiques par rapport au produit intérieur brut (PIB) est supérieure à l’unité. Selon la théorie du « Big Push » présentée par Paul Rosenstein-Rodan (1943), un programme d’investissement global peut être utile pour soutenir la croissance économique. La théorie de la croissance endogène soutient aussi que les politiques budgétaires peuvent être utilisées pour améliorer l’allocation efficace des ressources en corrigeant les défaillances du marché surtout en période de crise. Cependant, pour les économistes de l’école « classique », l’efficacité de la politique budgétaire n’est pas toujours garantie.

De façon empirique, de nombreuses études également ont été menées afin d’analyser la relation entre les dépenses publiques et la croissance. Dans la littérature existante, certaines études se concentrent sur un pays spécifique, tandis que d’autres sont appliquées à un ensemble de pays sous forme de panel. Ces études ont cherché à analyser le sens, la nature et la significativité de l’impact de l’une des variables sur l’autre.

En Afrique, Keho (2015) a étudié la causalité entre les dépenses publiques en pourcentage du PIB et le PIB réel par habitant sur un panel de neuf pays. Les résultats indiquent que la loi de Wagner est valable pour le Cameroun à moyen terme, pour le Ghana à court, moyen et long terme et pour le Nigéria à long terme. Le point de vue keynésien est soutenu pour le Gabon et le Sénégal à court, moyen et long terme et pour l’Afrique du Sud à moyen et à court termes. Pour le Sénégal, ce résultat va dans le même sens que celui de Nubukpo (2007) à long terme mais le contredit à court terme. Par conséquent, ces trois pays peuvent utiliser les dépenses publiques pour stimuler leur économie, comme le prétend le paradigme keynésien.

Dans l’UEMOA, Tenou (1999) montre qu’une politique budgétaire expansionniste réduit la croissance du PIB par habitant dans les pays de l’Union. De même, Nubukpo (2007) montre qu’en dehors du Sénégal et du Togo pour le long terme, les dépenses publiques totales n’exercent pas un effet positif sur la croissance des économies de l’UEMOA. Ce résultat corrobore celui de Ojo et Oshikoya (1995). Toutefois, Nubukpo (2007) conclut que les dépenses publiques peuvent favoriser la croissance des économies de l’UEMOA lorsqu’elles sont destinées aux investissements, mais sont également susceptibles de la freiner quand elles privilégient la consommation.

Tous ces résultats obtenus sont souvent contradictoires, variant d’un pays à l’autre et allant de la « causalité bidirectionnelle » à la « non-causalité » entre les deux variables. Toutes ces théories et résultats empiriques n’ont pas tranché unilatéralement sur le fait que les relances budgétaires seraient l'outil le plus efficace pour faire repartir l'économie à son niveau d’avant la crise. Mais il en ressort que la relance annoncée pourrait créer des richesses supplémentaires si l’accent est mis sur les investissements productifs. La théorie keynésienne, celle du « Big Push » et certains résultats empiriques obtenus sur quelques pays du continent africain restent optimistes sur le fait que les plans de relance budgétaire seraient les clefs pour favoriser le rebond de l'activité économique.

Publié par : Finance     -     Publié le : 4 mai 2021