#

Le développement effectif du continent africain est tributaire de l’unicité de ses pays. Un véritable empire africain, au moins en Afrique subsaharienne, ne revêt plus un caractère éclectique. Il s’impose. Il ne peut pas en être autrement. De Kwame Nkrumah à… Gervais Koffi Djondo : la thèse de l’unité de l’Afrique n’a jamais manqué de fervents défenseurs. C’est encore moins Cheick Anta Diop qui prendrait le contrepied de l’idée d’une telle union. En effet, ce dernier avait posé les bases de cette éventualité dans un texte-programme dès 1960. Personnellement, je ne suis pas moins convaincu de cette nécessité, aujourd’hui.

Si la thèse de l’unité africaine fait l’objet d’une plus grande adhésion, quelle doit en être la base ?

Une vision à la fois purement idéologique, historique et culturelle domine les discours. Manifestement elle l’est moins. Elle consiste à dire ceci : « parce que nous (africains subsahariens) partagerions une identité historique et culturelle, alors nous devrions, incessamment, nous unir. »

Cheick Anta Diop, à maintes reprise, s’est attelé à une élucidation très fine de la quintessence de cette vision (lire, par exemple, les premières pages de son ouvrage[1]). Cette vision, néanmoins, repose essentiellement sur une unité et un rapprochement des peuples par les traditions, la civilisation commune, la linguistique.

Sans tomber dans l'iconoclasme, je me pose une question non moins essentielle : aujourd’hui, factuellement, pour quelles raisons un habitant d’une région spécifique du Niger chercherait à s’exprimer dans une même langue qu’un autre habitant du Bénin ou du Nigéria ? Seulement, pour des raisons historiques et culturelles ? Autrement dit, ces derniers motifs sont-ils suffisants pour impulser une unité africaine ?

L’on pourrait également s’interroger sur les motivations réelles d’une solidarité effective entre les États africains - l’union politique en serait la forme la plus aboutie. Une fois encore, seulement pour une raison de « destin commun » ? D’ailleurs, l’absence d’une solidarité budgétaire effective n’est pas un phénomène rare au sein des différentes organisations régionales.

Le choix des trois pays précédents n’est pas un pur hasard. En effet, ces trois pays sont contigus. Maintenant, supposons l’existence d’un marché d’échange de biens et services au croisement de ces 3 pays, profitable pour tous. Il semblerait que les populations, naturellement, émettront le désir de se comprendre vocalement et y consacreront les moyens adéquats.

De cela découle une conséquence importante pour la stratégie voire peut-être pour le sens de la causalité de l’unité africaine. Au-delà des considérations idéologique-historique-culturelle, un élément fondamental qui suscite l’intérêt de chacun et bénéfique pour tous devrait permettre d’atteindre une unité tangible : peut-être le marché africain.

Le cas échéant, les premiers clients et fournisseurs de chaque participant au marché doivent être sur le marché. L’interconnexion entraînerait un contrat de solidarité implicite et d’autres externalités pour la consolidation de l’unité. Puisque dans un souci de préservation de ses intérêts, chaque participant au marché serait en mesure de fournir des efforts supplémentaires sur d’autres aspects connexes pour préserver la stabilité du marché. Ces externalités peuvent prendre la forme d’un effort pour garantir la paix et la sécurité, donc la défense des territoires.



[1] Les fondements économiques et culturels d’un état fédéral d’Afrique noire.

 

Publié par : Beringer GloGlo     -     Publié le : 6 avr. 2023